Bon, on ne va pas se mentir, c’est mal parti pour le monde apicole tout comme dans de nombreux secteurs agricoles. On parlait de gel et de pluies le mois dernier, on parle de nouveau de pluies et de températures trop faibles pour permettre au nectar de « monter » dans les fleurs en mai.
Les acacias ont bien fleuri, ils vrombissaient du sourd et si caractéristique bourdonnement de milliers d’abeilles s’affairant à leur cime, mais…c’est tout. Ils ont leurré les valeureuses butineuses chez Fausse bruyère en leur faisant croire que le nectar allait couler à flots. En réalité, la collecte journalière suffisait tout juste à combler les besoins de la colonie en plein développement. Pour autant, on ne va pas se plaindre puisqu’étant installée dans la Dombes, Fausse bruyère n’a pas eu à lutter pour sa survie. Nos collègues en Savoie, Haute-Savoie, Isère ont été bien moins chanceux. Ils ont dû courir au chevet de leurs colonies pour leur apporter du sirop et éviter ainsi de les perdre.
Seconde raison pour nous de voir le verre à moitié plein : l’intense floraison du colza et les bonnes conditions climatiques à ce moment-là nous ont permis de faire une première petite récolte. Mi-mai, on a donc été récupérer les hausses, le compartiment supérieur dans lequel les abeilles stockent le miel, le grenier en quelque sorte, ou parfois seulement les cadres qui contenaient du miel. On chasse les abeilles à l’aide d’une brosse puis on charge les hausses dans le fourgon direction la miellerie. Il faut faire vite puisque la présence du colza dans le miel l’amène à cristalliser en quelques jours seulement. Le lendemain donc, on désopercule les cadres, c’est-à-dire qu’on vient enlever l’opercule de cire qui empêche le miel de sortir des cellules. On place une vingtaine de cadres dans l’extracteur qui va faire sortir le miel par force centrifuge. Le miel repose ensuite quelques jours avant d’être mis en pot.
En mai, nous avons aussi couru derrière les essaims qui ont décidé de partir malgré les conditions climatiques très défavorables. L’essaimage est un processus de division par lequel l’espèce assure sa pérennité. La colonie se scinde donc en deux groupes. La reine mère en place quitte la ruche accompagnée par des dizaines de milliers d’ouvrières qui vont former un essaim (une grappe d’abeilles organisées). Sa fille, la future reine prend alors la place, remobilise les abeilles autour d’elle et poursuit le développement de la colonie souche. On vous raconte les grands départs auxquels nous avons assisté à plusieurs reprises. Sur le rucher, un vrombissement se fait entendre, de plus en plus fort, comme si d’un coup l’air s’était électrisé et l’atmosphère mise à vibrer. On lève la tête, on observe les ruches, et à la vue du nuage qui commence à se former autour d’une ruche, on comprend que c’est le grand départ. Les abeilles sortent par milliers, se répandent au sol et sur la ruche, puis s’envolent pour rejoindre le nuage de vol qui se forme rapidement. En moins de deux minutes, le gros des troupes s’est échappé et forme un nuage assez large volant entre 2 et 5 m de hauteur. D’un commun accord, il se rassemble une première fois très proche de sa ruche d’origine. Les dernières motivées ont ainsi le temps de rejoindre les rangs et débute alors le choix du futur lieu d’établissement. C’est généralement là que nous intervenons en leur proposant une ruchette 5 étoiles et on espère que les abeilles la trouvent aussi à leur goût. Bien souvent c’est le cas, parfois elles ressortent, et il faut recommencer l’opération jusqu’à ce que la reine décide de s’y établir.