Savez-vous comment les abeilles choisissent les fleurs qu’elles vont butiner ? Comment font-elles pour déterminer si cela vaut le coup de s’arrêter ou s’il faut plutôt passer chemin et aller en trouver d’autres ?
C’est probablement une combinaison des 4 facteurs suivants :
La couleur 🔵
Les abeilles repèrent les fleurs grâce à leur couleur, grâce au rayonnement ultraviolet – bleu émis et capté par une abeille en vol. Elles sont non seulement capables de percevoir les UV, mais aussi les irisations créées à la surface des pétales et donc la décomposition de la lumière qui va de pair (comme sur un CD 💿, ça existe encore ça ? 😅).
Une fleur jaune en apparence émet donc du bleu que leurs supers yeux 👀 sont capables d’identifier. Elles utilisent même les motifs dessinés par les UV comme indications pour atterrir correctement sur la fleur en question. Pas besoin de contrôleurs du ciel ✈️, la fleur fait le boulot pour accueillir dans les meilleures conditions celle qui va l’aider à être correctement pollinisée.
Et pour rentrer à la ruche ? 🤔
Second super pouvoir de l’abeille, elle utilise la polarisation de la lumière (la direction des ondes) pour cartographier son environnement et retrouver son chemin. Ça marche aussi lorsque le soleil ne brille pas. Alors que nous, sans réseau, le gps c’est cuit.
Le lien entre la couleur bleu/violette de certaines fleurs et la quantité de nectar produite (qui serait supérieur) n’est pas clairement établi.
La cible ultraviolette
C’est le super pouvoir-argument des fleurs pour convaincre les insectes pollinisateurs de lui rendre visite. Des substances chimiques, les DIPs (Dearomatized Isoprenylated Phloroglucinols – a vos souhaits) colorent et créent sur les fleurs des motifs invisibles pour l’œil humain, mais très recherchés par les insectes. 🦋 C’est ce qu’on appelle le « bull’s-eye UV pattern », littéralement le motif UV cible. Il guide les abeilles vers la zone à privilégier pour y trouver du nectar. 💦
C’est leur capacité à voir l’ultraviolet qui leur permet d’identifier ces cibles sur les fleurs. En image ça donne ça 👇 (attention, les couleurs sur les vues UV sont là simplement pour illustrer les motifs).
📷 crédit photo : © Bjørn Rørslett/NN
Ces motifs facilitent aussi l’apprentissage. Si une abeille visite une fleur dont le motif UV est séduisant et qu’elle fait le plein de nectar 😋, elle va concentrer ses efforts sur la recherche de motifs similaires.C’est gagnant-gagnant pour les plantes et les abeilles. Les premières optimisent leur propre pollinisation et les secondes optimisent leur récolte 🍯. Une symbiose qui dure depuis des millions d’années. Nos IA (intelligence artificielle) ne sont pas prêtes de faire mieux…
L’odeur
C’est l’autre super pouvoir des abeilles qui leur permet de communiquer entre elles, de trouver des sources de nourriture, et de se reproduire. Les capteurs d’odeur sont situés sur les antennes et ils scannent l’air aussi bien en plein vol qu’au beau milieu de la ruche.
En l’air, l’abeille parcourt son environnement à la recherche de la source de nectar la plus rentable (pas folle la guêpe). Elle est justement très efficace pour découvrir en quelques minutes l’entrée de la miellerie qu’un apiculteur aurait oublié de fermer. L’odeur du miel fraîchement extrait ou de la cire fondue attire les abeilles à une vitesse incroyable (et ça peut vite être la cata) 🤦♂️🤦♀️
Il y a très peu d’études sur le sujet, mais on peut supposer que les fleurs très odorantes et très productives de nectar (acacia, lavande) attirent les abeilles de la même manière qu’un pot de miel laissé ouvert. C’est une combinaison odeur-rentabilité poussée à son maximum.
Si la fleur en question ne sent rien, mais est très intéressante pour les abeilles, alors il faudra d’autres signaux pour attirer la première abeille. A son retour à la ruche, la butineuse préviendra les autres et c’est une réaction en chaîne qui s’enclenche. 🗣
Les odeurs jouent un rôle essentiel à l’intérieur de la ruche. Chaque individu d’une colonie porte une signature odorante propre au groupe qui lui permet de passer les gardiennes sans se faire arrêter. C’est un laisser-passer qui permet de lutter contre de potentiels intrus et c’est bien plus rapide de le sentir plutôt que de lui demander ses papiers. 👮♂️
La reine est capable de produire une phéromone mandibulaire (substance chimique de communication) qui régule l’ensemble des ouvrières de la colonie. Une odeur pour faire obéir 50 000 individus, c’est fort. Ce signal incite les abeilles à favoriser l’élevage plutôt que le butinage.
Une autre phéromone que les apiculteurs apprennent à sentir avec les années : le signal d’alarme 🚨. Concrètement, c’est le venin qui s’évapore et se diffuse très rapidement dans l’air avec l’objectif de prévenir les copines qu’il y a quelque chose ou quelqu’un à attaquer. Avec l’expérience ou apprend à le sentir aussi et on déjoue avec assez vite la réaction en chaîne (une odeur de corbeille de fruits bien mûrs).
Enfin, la dernière odeur très marquante est celle d’un essaim. Il nous est arrivé plusieurs fois de sentir et découvrir des essaims grâce à notre nez (ils étaient bien cachés). C’est également cette odeur qui permet le rassemblement des abeilles en un seul et même point. Une preuve de plus sur leur capacité à scanner les odeurs de leur environnement. L’odeur est compliquée à décrire : citronnelle, fruit, et quelque chose d’enivrant.
Le champ électrique
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il existe bien une interaction électrique entre les insectes pollinisateurs et les fleurs ⚡. Ces dernières portent une charge négative, elle correspond à la charge électrique du sol transmise par le contact des racines. Lorsqu’elle vole, l’abeille se charge positivement probablement en raison du frottement avec l’air. Quand elle arrive positivement chargée sur une fleur, les grains de pollen commencent à s’agglutiner sur elle avant même qu’elle ne se soit posée. C’est comme un aimant ! 🧲
Là aussi un processus d’apprentissage se met en place. Le champ électrique est associé à la quantité de nectar collectée et les abeilles vont privilégier les fleurs dont le champ est similaire à ce qu’elles connaissent et qui est connu pour fournir suffisamment de ressources.
Ci-dessous des fleurs dont le potentiel négatif est mis en évidence sur la 2ème ligne (la coloration bleue), on le retrouve comme on doit s’y attendre sur les extrémités des fleurs.
Il se pourrait également que les insectes soient sensibles aux variations du champ électrique. Ainsi, lorsqu’une visite se termine, le potentiel électrique de la fleur est perturbé pendant plusieurs secondes. Un autre insecte butinant à côté pourrait savoir que la fleur vient juste d’être visitée et qu’il n’est probablement pas très rentable de s’y arrêter. ⛔
Pour en savoir plus sur les interactions électriques entre les fleurs et les bourdons : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5599473/