Le miel c’est quoi ?
D’un point de vue commercial il s’agit de la substance sucrée produite par l’abeille Apis mellifera et collectée brute par un apiculteur.
Il ne peut donc pas être produit par d’autres insectes, ni même par la main de l’homme (comme c’est de plus en plus le cas), ni être coupé avec d’autres ingrédients / substances. Un « miel à la truffe » ne devrait donc pas se nommer ainsi, mais plutôt « préparation de miel et de truffe ».
Abeilles butinant sur un arbuste, le Troène commun
A partir de quoi est-il élaboré ?
- Des fleurs bien sûr ! C’est la source principale de sécrétion de nectar. Le nectar est une solution aqueuse qui contient seulement 20 à 40% de sucres et que les abeilles vont chercher avec leur longue langue au cœur des fleurs.
- Des déjections laissées sur les plantes par les insectes piqueurs de végétaux ! Ça fait moins rêver que les petites fleurs multicolores, mais c’est une source plus riche en sucres. Elle est beaucoup plus difficile à anticiper (il faut que les pucerons aient réussi à se développer en nombre par exemple), mais elle se révèle cruciale pour les colonies lors des périodes de sécheresse. On parle de miellat et donc de miel de miellat. Il contient d’autres sucres plus complexes tels que le mélézitose qui favorise la cristallisation rapide, parfois avant même que l’apiculteur n’ait pu extraire le miel des cadres (et là, bonjour la grosse galère puisqu’il n’est plus possible de le récolter).
Insectes piqueurs de plantes en train de se nourrir de sève.
Liquide : l’état initial
C’est l’état dans lequel les abeilles considèrent que leur travail est terminé. Elles stockent le miel tel quel dans les alvéoles de leur ruche et ce sont ensuite les réactions chimiques qui vont le faire changer d’état. Leur vitesse dépend de 3 paramètres : l’équilibre fructose / glucose, le taux d’humidité, la température.
En moyenne le miel contient 38% de fructose et 31% de glucose. Or, le fructose est connu comme étant le sucre le plus soluble dans l’eau, comme ayant un fort pouvoir hygroscopique, et donc comme cristallisant très difficilement dans un milieu contenant de l’eau (comme le miel) (L M Hanover, J S White, 1993). C’est ce qui explique que les miels soient liquides au départ.
Dans le cas extrême du miel d’acacia, 43 % de fructose, 29 % de glucose, la réaction de cristallisation est extrêmement lente et il faudrait attendre une dizaine d’année avant de constater un début de cristallisation.
Miel d’acacia Confidences d’Abeilles produit en mai 2020.
Solide : l’état final
Tout est la faute du glucose qui est le sucre le moins soluble dans l’eau (White, 1978) et qui n’a qu’une envie : former des cristaux. Cette réaction se produit donc dans chaque pot de miel et dépend de la température et du taux d’humidité.
Si ce dernier est trop élevé, il diminue l’intensité de l’état de sursaturation dans lequel le glucose doit se trouver pour cristalliser. Hein ?! En gros : plus d’eau et autant de sucre = concentration plus faible, donc moins de chance de faire un cristal 💎.
La température, plus elle baisse, plus la viscosité du miel augmente, et moins les molécules sont capables de se déplacer. A -20°C, la cristallisation est fine, entre 4 et 10°C, elle est moyenne, et elle devient grossière autour de 20°C (Lupano, 1997). Pour autant, au-delà de 30°C, l’agitation moléculaire est telle qu’elle empêche la formation des cristaux de glucose. Plusieurs rapports concluent que la vitesse maximale de cristallisation se trouve entre 10 et 15 degrés (White, 1978; Dyce, 1975).
Figure 1. Vitesse de cristallisation théorique du miel en fonction de la température, avec Tg la « glass-transition temperature » ou température de transition vitreuse (entre – 40 et – 50°C). En dessous de Tg, le miel se vitrifie et est considéré comme un solide. (Bhesh Bhandari , Bruce D’Arcy & Camilla Kelly, 1999)
Un exemple bien connu des apiculteurs est le miel de Colza. Contenant presque 40% de glucose, il cristallise en 3 à 4 jours et ce directement dans les ruches si l’apiculteur n’est pas assez rapide pour le récolter et l’extraire.
Crémeux : travail de l’apiculteur
Bon, et le miel crémeux dans tout ça, on en parle ?
Cassons donc un mythe : le miel crémeux c’est comme monter des blancs en neige avec du miel au départ. Eh oui, il suffit de plonger le batteur dans le pot de votre cuisine et de tourner suffisamment vite pour introduire de l’air (ce qui va blanchir le miel). Cela va favoriser la formation de petits cristaux autour de ces bulles d’air et la texture va passer de liquide à celle d’une pâte.
Miel crémeux Confidences d’Abeilles, récolté et travaillé au printemps 2020.
L’apiculteur prépare son miel crémeux à partir d’un starter, c’est à dire d’un miel qu’il choisit pour sa cristallisation fine et souple par exemple. Il travaille un seau d’une trentaine de kg avec un mélangeur (« il monte ses blancs ») avant de l’introduire dans un fût de 300 kg et de le brasser plusieurs dizaines de minutes. Il met immédiatement ce miel crémeux en pot qui est encore fluide juste après le brassage.
C’est un excellent moyen d’éviter la cristallisation grossière d’un miel. Une fois qu’il est dans l’état crémeux, la réaction de cristallisation est stoppée (attention aux changements de température qui peuvent rompre l’équilibre trouvé).
On résume tout ça
Les abeilles utilisent le nectar et le miellat pour fabriquer un miel qui est liquide au départ. La cristallisation est une réaction qui se produit dans tous les miels. Plus il contient de fructose, plus il restera liquide. Plus il contient de glucose, plus il cristallisera vite. Cette réaction de solidification dépend ensuite de la température et du taux d’humidité, elle est maximale entre 10 et 15°C.
On ne peut pas l’éviter (pas question de stocker le miel à – 40 ou + 30°C), mais il est possible de contrôler / devancer cette réaction en rendant le miel crémeux. Pour ça, armez-vous d’un batteur et montez votre miel comme les blancs en neige. Quelques minutes suffisent.
Et si jamais vous voulez rendre liquide un miel solide, posez-le sur le radiateur le soir, il sera prêt au petit matin. Il faudra le rendre crémeux, sans quoi la cristallisation reprendra et sera encore plus grossière.
Gaëtan
Pour aller plus loin
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Références
Bhesh Bhandari , Bruce D’Arcy & Camilla Kelly (1999) Rheology and crystallization kinetics of honey: Present status, International Journal of Food Properties, 2:3, 217-226, DOI: 10.1080/10942919909524606, https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/10942919909524606
Dyce, E. J. 1975. Producing finely granulated or creamed honey, Chapter 10. In: Honey, a Comprehensive Survey. Crane, E. ed. Heinemann, London, p. 293-313.
Lupano, C. E. 1997. DSC study of honey granulation stored at various temperatures. Food Research International. 30: 683-688
L M Hanover, J S White, Manufacturing, composition, and applications of fructose, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 58, Issue 5, November 1993, Pages 724S–732S, https://academic.oup.com/ajcn/article-abstract/58/5/724S/4732301
White Jr., J. W. 1978. Honey. Advances in Food Research. 24: 288-354